La robotique au service des courtiers d’assurance

Par admin

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Lors d’une conférence que j’ai eu le plaisir de donner à Montréal durant la Journée de l’assurance de dommages, j’ai défendu les avantages pour les cabinets de courtage d’automatiser une partie de leurs processus au moyen de la robotique (RPA).

Toutes les institutions financières et la plupart des grandes compagnies d’assurance au Canada utilisent déjà des robots de type RPA (Robotic Process Automation) ou ont des projets pilotes en cours.

Pour les courtiers d’assurances, cependant, ces « robots » – qui ne sont pas des machines physiques comme tel mais des systèmes logiciels autonomes qui fonctionnent à l’intérieur d’un ordinateur ou d’un serveur – demeurent mystérieux, voire carrément inconnus. Or, une fois que l’on visualise très concrètement ce que la RPA permet de faire, les bénéfices pour un cabinet d’assurance sont évidents et les possibilités nombreuses. Le plus important est donc de démystifier la complexité et le coût d’un processus d’automatisation par la robotique.

Or ce processus est indéniablement à la portée des PME, et il ne faudrait pas que les courtiers d’assurances ratent le bateau !

Une tendance de fond

Comme la plupart des analystes, Capgemini voit la robotique associée à l’intelligence artificielle comme un des trois phénomènes qui vont le plus influencer le monde des assurances au cours des prochaines années (les deux autres étant les objets connectés et les modèles d’affaires eux-mêmes, qui sont appelés à changer).

Pour mémoire, un robot de type RPA – ou APR en français pour Automatisation des Processus par la Robotique – permet de cloner à la perfection les tâches réalisées par un employé sur son ordinateur.

De la comptabilité aux réclamations en passant par l’ouverture de comptes, le robot automatise donc une foule d’activités. Et comme il peut, à l’instar des humains, servir de passerelle entre des systèmes en silo qui ne se parlent pas, le robot de type RPA démontre très facilement sa valeur ajoutée en copiant et en croisant – très rapidement – des données de l’un à l’autre.

Concrètement, le robot va donc ouvrir des courriels et des documents, les « lire » et en extraire l’information nécessaire puis se connecter sur le CRM, le système d’agence ou le backend de l’assureur pour y entrer les données.

L’assurance, un secteur mûr pour l’automatisation

Selon un rapport de McKinsey cité par UiPath [PDF] dévoilé lors du congrès 2018 de la RPA aux États-Unis, il est possible, dans le secteur des assurances, d’automatiser pas moins de 43 % des activités de traitement des données.

Ce n’est donc pas un hasard si les services financiers sont en général le candidat et le client numéro 1 des entreprises de RPA.

En fait, tout dans les assurances favorise l’introduction de robots :

  • Des échanges de documents en grand nombre
  • Une grande diversité de formats (Doc, HTML, PDF, Excel, etc.)
  • Des systèmes technologiques de générations différentes, souvent non compatibles
  • Un contexte réglementaire très strict qui requiert de l’administration et du contrôle
  • Un volume important de données à saisir, avec les risques d’erreurs que cela suppose
  • Des pics d’activité avec des produits saisonniers dont les volumes peuvent décupler

Nous sommes donc face à la combinaison explosive de deux phénomènes : la croissance exponentielle des données et l’arrivée massive des robots.

La thématique de la Journée de l’assurance de dommages – « La donnée : l’avenir de la relation client ! » – organisée par le Journal de l’assurance donnait d’ailleurs le ton.

Une réponse à des problèmes criants

Nous assistons à en effet un accroissement du data, à la fois chez l’assureur mais aussi chez les courtiers. Des données que l’on doit, pour les traiter et leur donner de la valeur, identifier, classer, copier d’un système à l’autre. Des tâches ni intéressantes ni gratifiantes.

Des tâches qui sont au contraire parfaites pour un robot.

À tel point que dans son rapport sur l’automatisation dans l’industrie de l’assurance McKinsey estime que d’ici 6 ans des robots pourront remplacer jusqu’à 25 % du personnel de support et administratif des compagnies d’assurance.

Cela s’explique par l’évolution de la structure de coût dans le secteur des assurances, qui va pousser les entreprises à réinventer leur modèle d’affaires et à réduire drastiquement leurs coûts d’exploitation, puisqu’on ne peut pas abaisser les marges, déjà très faibles.

Mais réduire quoi? Les technologies? Au contraire, les crédits affectés à ce domaine sont appelés à augmenter. Le marketing? Dans le contexte concurrentiel actuel, ce serait suicidaire.

Reste le plus gros poste, celui des ressources humaines.

Or, les employés du secteur des assurances – qui sont payés au-dessus de la moyenne canadienne – sont noyés sous le boulot et les entreprises se livrent une chaude concurrence pour les ressources qualifiées.

Difficile, donc… Sauf si l’on trouve une façon de rendre les meilleurs employés plus efficaces, en confiant à des robots les tâches routinières et répétitives qui ne demandent aucune réflexion.

Des gains de productivité impressionnants

Le succès de la RPA s’explique aussi par une logique très simple : c’est rentable!

Selon une étude réalisée en octobre 2018 par Forrester, un robot peut effectuer des tâches administratives jusqu’à trois fois plus rapidement que les humains. Or on estime que des robots peuvent réaliser 70 à 80 % des activités de bureau.

Les services financiers en général – et le secteur des assurances en particulier – alimentent donc généreusement les histoires à succès de la RPA :

  • Gestion des polices => temps de traitement réduits de 60%
  • Personnel administratif => masse salariale réduite de 70%
  • Réconciliation bancaire => temps de traitement réduits de 80%
  • Gestion des réclamations => coûts d’opération réduits de 80%
  • Paiements par carte de crédit => temps de vérification réduits de 95%
  • Etc.

Les fabricants de robots, les intégrateurs et les clients eux-mêmes peuvent bien pavaner : les chiffres sont étourdissants !

En raison de sa lourdeur administrative, ce secteur est un terreau parfait pour faire pousser des robots. Un seul exemple nominatif, concret et récent : en six mois, le bureau londonien de AXA a économisé 182,000 $ US en déployant 13 robots UiPath supervisés.

Que font ces robots, essentiellement ? Du tri de courrier, du classement, des mises à jour simples. Ainsi Harry s’occupe des réclamations, Bert du commercial, Lenny des comptes recevables, etc. (Chaque robot a un nom.) Le boulot de Harry, par exemple, consiste à lire les courriers des clients et à trouver les dossiers de réclamations pour lesquels ils écrivent. Cette tâche, qui prend normalement 4 minutes, Harry l’accomplit en 40 secondes.

Une technologie plus accessible qu’on le pense, pour les PME

Précisons que cette technologie est souple, ouverte, accessible et peu coûteuse.

Pourtant, elle est à peu près inexistante dans les cabinets de courtages, même les plus importants. Cela s’explique en partie par le fait que le retour sur investissement est un peu plus complexe à démontrer chez un courtier qui a un petit volume et seulement quelques employés qui font la même tâche; alors qu’au sein d’une grande société, un nombre parfois important de personnes font un travail identique.

Dans un cabinet, l’introduction des robots est rentable, mais rarement sur une seule tâche, car le faible volume n’est pas suffisant pour justifier son existence. On va donc confier au robot de multiples tâches et il va travailler pour plusieurs personnes. Ensuite, au-delà du gain de productivité, l’absence d’erreurs du robot dans la saisie de données aura un impact immédiat sur la rentabilité et l’image de l’organisation.

Chez un courtier comme dans la grande entreprise, la rentabilité d’un robot se calcule non pas en années, mais en mois. Avec comme avantage, du côté des courtiers, que leurs processus ne sont pas sclérosés. Il est vrai que dans bien des cas, ils ne sont pas documentés… Mais dans tous les cas, l’on peut facilement les optimiser les confier, en tout ou en partie, à un robot.

Introduire un robot est donc plus facile chez un courtier que dans une grande compagnie d’assurance.

Bref, la RPA est un des outils technologiques du futur pour augmenter encore l’agilité des PME.

Des robots qui… humanisent

Enfin, un dernier aspect tout aussi important – et peut-être un des plus importants dans l’industrie de l’assurance où la carence en ressources est dramatique : les robots rendent le travail plus humain.

C’est sur ce constat que Leslie Willcocks, professeur à la London School of Economics, a prononcé cette phrase géniale à propos d’un robot de type RPA : « It takes the robot out of the human » : ! Les humains n’ont plus besoin de se comporter en robots.

C’est exactement ce que se disent de plus en plus d’entreprises.

Parmi celles qui ont adopté la RPA, 70 % considèrent que les robots ont éliminé en partie ou dans son entièreté le travail sans intérêt, permettant aux employés de consacrer plus de temps aux clients.

De manière assez inattendue, les robots augmentent de façon importante le plaisir qu’ont les employés à travailler dans un tel environnement!

Rappelons-nous que ce qui tue le monde de l’assurance, souvent, c’est la lourdeur des processus. En 2017, lors du congrès en Asie de la Société des actuaires, Ernst & Young a mis en lumière la manière dont la RPA pouvait augmenter la productivité des assureurs, petits et grands : les processus absorbent en effet jusqu’à 70 % du temps des agents, qui ne consacrent que 30 % de leur temps à du travail à valeur ajoutée.

Selon Ernst & Young, grâce à l’introduction de robots chez les assureurs, cette logique pourrait être inversée, de bas en haut de l’échelle.

Un gage d’indépendance pour les courtiers

La RPA offre aussi à certains courtiers la capacité de s’affranchir partiellement de leur dépendance envers une compagnie. Les robots leur permettent en effet de transférer très facilement le volume d’affaires d’une compagnie à l’autre.

Actuellement, migrer quelques milliers, ou même quelques centaines de clients, est une décision d’affaires difficile car il s’agit d’une opération pénible et donc coûteuse. Sauf si l’on parle de très gros volumes, il faut effectuer l’opération manuellement en copiant les données d’un système à l’autre. Or le robot fait cela en claquant des doigts (si l’on peut dire 😉), avec en prime zéro erreur!

Deux cas concrets

Nous étudions présentement le cas d’un courtier d’assurance qui doit transférer des milliers de clients d’une compagnie à l’autre. Cette opération est manuelle, puisque les systèmes de ces entreprises concurrentes ne se parlent pas, évidemment.

Actuellement, ce processus de copier-coller prend 30 minutes par client. Avec l’aide d’un robot, ce temps est ramené à 10 minutes. Mais, une fois la mécanique en place, le robot peut transférer le dossier d’un client d’une compagnie à l’autre en quelques secondes.

Ainsi, le courtier remplit mieux son rôle et le client est gagnant !

Dans le même esprit, nous avons aussi récemment effectué un test avec le cabinet de J Gérard Fortin et Associés sur une tâche des plus communes pour tous les courtiers.

Plusieurs fois par semaine, une adjointe récupère un rapport en PDF pour vérifier que l’assureur a bien émis les polices à renouveler. Elle met à jour le fichier Excel interne qui permet de faire le suivi sur les renouvellements, avant de reporter dans TAM les données sur la fiche client.

Cette tâche prend 60 minutes. Nous avons configuré un robot pour réaliser la même chose en clonant minutieusement ses actions. Résultat : le robot effectue le travail en 2 minutes.

Bien entendu, à elle seule cette tâche ne suffit pas à rentabiliser la location d’un robot. Mais comme le même robot peut faire trois, cinq ou même dix tâches de cet ordre et travailler pour plusieurs employés, l’on amortit aisément la location mensuelle et les frais de configuration en 6 ou 9 mois.

Quelles étapes, si un courtier envisage un RPA?

Pratiquement parlant, la première étape consiste à valider la rentabilité d’implanter un robot en identifiant et en analysant rapidement un certain nombre de processus.

En général, dès la première réunion, l’on met le doigt sur un certain nombre d’activités énergivores, répétitives et facilement automatisables. Ensuite, il suffit de les modéliser et de calculer le retour sur investissement avant de démarrer. Et si tous les feux sont au vert, le premier robot fait son entrée dans le cabinet huit semaines plus tard.

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