Le Québec ne peut dissocier productivité des entreprises et pénurie de main d’œuvre

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Le Québec est actuellement touché de plein fouet par une pénurie de main d’œuvre. Ce problème, grave en soi, met aussi en évidence les carences des entreprises québécoises en matière de productivité.

Philippe Couillard, ancien premier ministre du Québec, qualifiait déjà en 2018 cette pénurie de « sujet de l’heure pour les responsables des ressources humaines et [d’]enjeu clé du scrutin ». C’est peu dire. Un million et demi d’emplois sont à pourvoir au Québec pour la période 2017 à 2026, ce qui en fait la province la plus touchée au Canada avec un taux de postes vacants qui a pratiquement doublé depuis 2004 pour s’établir actuellement à 3,9 %.

Bien que les entreprises de toutes tailles soient affectées, la pénurie touche plus particulièrement les petites entreprises, notamment celles de moins de 50 employés. Dans ces PME, le taux de postes vacants dépasse la moyenne provinciale et frôle les 4,3 %, selon les données obtenues par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

Ce problème de pénurie de personnel est accentué par une pression à la hausse sur la rémunération que la FCEI estime à 2,7 % pour les entreprises qui ont un poste à combler, contrairement à 1,9 % pour les autres.

Mais la pénurie de main d’œuvre met surtout en évidence un problème sous-jacent de productivité des entreprises québécoises : puisqu’elles présentent un taux d’automatisation très bas, leur niveau de productivité dépend excessivement de la main d’œuvre, de sorte que leur compétitivité est à la merci des fluctuations du marché de l’emploi.

Au début de ce mois de février, le PDG d’Investissement Québec (IQ), Guy Leblanc, ainsi que le ministre québécois du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité (MTESS), Jean Boulet, ont partagé leurs inquiétudes face aux bas niveaux de productivité recensés.

De fait, en 2017 la productivité du travail au Québec, calculée en termes de quantité de PIB produit dans une heure travaillée, s’élevait à 60,15$; un chiffre en deçà de la moyenne canadienne (66,96$) et bien moindre que celle d’autres pays industrialisés comme les États-Unis (82,03$) et l’Allemagne (87,38$), selon le rapport annuel Productivité et prospérité au Québec (Bilan 2018), publié par HEC Montréal.

Plus alarmant encore est le constat selon lequel la productivité québécoise progresse très lentement : elle n’a augmenté que de 0,9 % entre 1981 et 2017 comparativement à 1,5 % pour nos voisins américains et 1,7 % en Allemagne.

En cause : le bas taux d’automatisation au Québec. Il ne s’agit évidemment pas du facteur unique causant ces piètres résultats, mais il s’agit néanmoins d’un facteur important.

Ce point de vue semble partagé par M. Leblanc et le ministre Boulet qui ont invité les entreprises de la province à automatiser certains de leurs processus pour demeurer compétitives sur les marchés nationaux et internationaux.

Le travail en est avant tout un de conscientisation. « Ce qui m’a fasciné, c’est que 60 % des employeurs considèrent qu’ils sont à la fine pointe de la technologie alors que le taux d’automatisation dans le domaine manufacturier au Québec n’est que de 25 %. Il est de 55 % aux États-Unis, de 75 % en Allemagne. », expliquait le ministre en entrevue à Radio-Canada, citant l’étude Le manufacturier avancé : enquête sur l’automatisation du secteur manufacturier au Québec publiée en 2017 par l’Alliance canadienne pour les technologies avancées.

Effectivement, faute de statistique à l’échelle provinciale, en 2015 le Canada comptait 136 robots par 10 000 employés; un niveau proche de celui américain (176), mais moins de moitié celui de l’Allemagne (301).

Pourquoi la productivité est-elle si importante? Parce qu’une entreprise très productive est compétitive, affiche une meilleure santé financière et augmente ses chances de survie en temps de pénurie de main d’œuvre et de ralentissement économique sur un marché dont les règles de la compétitivité sont en train d’être redéfinies par l’automatisation.

En supprimant les contraintes de croissance traditionnelles et en les remplaçant par des capacités d’économies d’échelle et d’expansion sans précédent, l’automatisation permet l’émergence d’entreprises numériques, c’est-à-dire d’entreprises traditionnelles qui excellent dans la mise en relation des différentes fonctions de l’entreprise, dans l’agrégation des données et dans l’extraction de leur valeur par l’analyse grâce à l’intelligence artificielle.

Le potentiel transformatif de l’automatisation pour la productivité – et conséquemment la compétitivité – réside dans la démocratisation de cette technologie. L’existence de nombreux systèmes d’automatisation des processus par la robotique, des robots de type RPA (Robotic Process Automation), offerts « as-a-service » sur le marché signifie que l’automatisation est aujourd’hui à la portée des entreprises de toutes tailles, y compris les PME.

Les entreprises québécoises ont un avenir prometteur devant elles à condition, bien sûr, qu’elles passent à un niveau supérieur en matière de développement technologique, pour reprendre l’expression du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité Sociale. Dans le contexte actuel, l’automatisation des processus est une étape incontournable de ce tournant technologique, tant pour les entreprises elles-mêmes qui aspirent à affermir leurs parts de marché, mais également pour l’équilibre social et économique du Québec.

Pour citer à nouveau le ministre, « L’augmentation de la productivité m’apparaît être un incontournable économique et social. On a vu des licenciements collectifs qui auraient peut-être pu être évités si on avait eu un niveau d’automatisation supérieur. »

Par Renato Cudicio,
Président de TechNuCom

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